Anisunas

C'est un espace où j'expose pour mes amis(es), mes idées, jugements, opinions, et sentiments dans une ambiance d'amitié et de respect. C'est un espace de liberté, en tant qu'il est un instrument nouveau permettant l'expression personnelle.

Thursday, August 15, 2013

Pour en finir avec Ibn Taymiyya


Pour en finir avec Ibn Taymiyya



Si la secte wahhabite ne faisait pas autant parler d’elle de nos jours, par l’agitation liée à son nom et qualifiée de salafisme, il n’y aurait pas eu lieu de lui  consacrer quelques lignes car elle ne présente doctrinalement aucun contenu sérieux digne d’attention. Le wahhabisme n’est que confusion des genres, fausse science et égarement pour les malheureux arabes qui s’imaginent apprendre quelque chose en lisant les écrits de Mohamed Abdelwahhâb, son fondateur[1]. En fait, s’ils croient tout comprendre, c’est en raison du littéralisme simpliste et puéril de la ‘’pensée’’ de son auteur, qui s’adresse à des musulmans de l’époque décadente, où la société musulmane avait cessé de produire la civilisation et se trouvait dans le creux de la vague que remue l’Histoire. Le monothéisme, tel qu’il est présenté par ce cheikh, est fondé sur un non-dit : les musulmans sont soupçonnés d’être, tous ou en majorité, des polythéistes. Sur ce postulat, l’enseignement du Cheikh sera donc justifié a posteriori, et la mission du wahhabisme est toute trouvée : enseigner le ‘’vrai’’ monothéisme, le sien. On énonce une prémisse fausse et en tout cas loin d’être évidente, puis on se propose de résoudre le pseudo-problème qu’elle implique. Ça ressemble plus à un plan de manipulation qu’à un travail sérieux de théologien soucieux de vérité.
Aujourd’hui, l’Arabie Saoudite, berceau et lieu d’expérimentation forcée de la ‘’doctrine’’ wahhabite, n’est pas réputée pour être le pays de la stricte doctrine du monothéisme. Par contre, on s’accorde à reconnaître seulement son monolithisme politique et la casuistique de ses docteurs de la loi religieuse. Se permettre de traiter de polythéistes (takfîr) des hommes et des femmes qui se disent musulmans, est en soi une accusation grave aux yeux du Coran et un péché difficilement pardonnable. S’il s’agit de ‘’guider’’ spirituellement des hommes afin de leur apprendre à progresser dans leur perception de l’unité divine, cela ne saurait se justifier par la doctrine wahhabite. C’est une préoccupation qui est aux antipodes de son enseignement qui porte surtout sur les fatwas relatives à la méthode à suivre pour accomplir certaines prescriptions religieuses.
La connaissance de soi, celle qui permet d’accéder à la connaissance du Créateur, relève des maitres du soufisme, que le wahhabisme déconsidère. Mais ce n’est pas la moindre des contradictions du wahhabisme.
Le wahhabisme enseigne que si les musulmans veulent réaliser de nouveau la ‘’grandeur’’ d’antan, ils devraient prendre comme repère historique idéal, l’époque de Muawiya et des omeyades. Or cette époque est considérée par les savants sunnites aussi bien que chiites que l’avènement de la dynastie omeyyade correspond plutôt à une époque de grand malheur pour l’islam. Un hadith important annonce que le premier homme qui changera la tradition prophétique sera un homme de banu Oumayya.
Le wahhabisme pour cela parle de salaf, terme arabe qui peut être traduit par ‘’les anciens’’ et qui est une notion fugace. Et quand ils sont priés de s’expliquer, ils répondent que cela signifie les ‘’Compagnons’’ du Prophète (S). Mais, on s’aperçoit vite que les dits compagnons font l’objet d’un tri qui élimine tous les premiers Compagnons, les authentiques compagnons du Prophète, qui combattirent à ses côtés à Badr, la première bataille de l’islam. Seuls sont pris en compte ceux d’entre eux qui avaient pris parti pour Muawiyya, et ils sont minoritaires.
Tenir les ‘’Compagnons’’ pour une réalité autonome, transhistorique, constitue une autre contradiction. Soit on admet que la qualité de compagnon est définitivement close avec la clôture de la prophétie, et que nous n’avons plus affaire qu’avec le Coran, à charge pour nous de lui trouver les bonnes interprétations. Soit on admet que le Prophète, par la grâce de Dieu, est lui-même témoin de ce que nous faisons, et que le discours coranique est valable pour tous les temps, et alors les musulmans devront se considérer chacun comme un compagnon du Prophète durant ces temps où il a cessé d’être présent physiquement parmi nous. Or plusieurs versets nous invitent à accepter ce point de vue.
Nous savons par le Coran que la qualité de ‘’compagnon’’ ne suffit pas en elle-même pour être sauvé : chacun sera jugé selon ses actes. Dieu fasse que nous soyons jugés par la clémence divine qui embrasse toute chose. Retourner au ‘’temps glorieux des compagnons’’ serait possible si, dominante au-dessus de ces compagnons, on voyait d’abord la figure éminente du Prophète (S).
Toujours est-il qu’il est facile de montrer que l’affection pour les compagnons est très sélective dans le wahhabisme. En général, seuls sont loués et mentionnés comme tels ceux qui se situent dans la ligne omeyyade, c’est-à-dire pas grand monde. En fait, cette sélection voudrait fonder plus le nationalisme arabe que la renaissance islamique. Les Arabes rêvent de reprendre le flambeau de l’islam, sous leur contrôle comme au temps peu glorieux des Omeyyades. Vous ne trouverez jamais sous la plume d’un wahhabite l’éloge de ‘Ammâr ibn Yâsir, d’Abû Dhar al-Ghifâri pour ne m’en tenir qu’à ces deux figures de la phase héroïque de l’islam. Si au moins cette vénération concernait tous les compagnons sans exclusion, on aurait laissé aux croyants le soin d’avoir leur ordre de préférence ! Bien au contraire, on y a exclu des figures essentielles de l’islam de la première heure.
Ils ont une prédilection pour tous ceux qui ont servi Muawiya au sujet de qui le Prophète (S) a :’’ Le premier qui changera ma sunna sera un homme des banû Umayya’’ (voir al-Albâni, silsilat al-ahâdith al-sahîha). Mais passons.
Il n’existe aucun hadith ni verset coranique associant d’une façon quelconque les compagnons à la mission prophétique. Le Coran a été révélé au Prophète (S). Et l’ordre d’obéir au Prophète (S) concerne tous les musulmans, au même degré, les premiers compagnons comme les modernes et ce jusqu’à la fin de temps.
Si des compagnons peuvent être considérés pour leur exemplarité comme des piliers faisant partie de la solution, beaucoup d’entre eux ont fait surtout partie du problème. Cette question ne se pose pas qu’en islam. Toutes les religions ont du faire face à des éléments qui se sont introduits dans leurs rangs pour y semer la confusion, brouiller le message premier, le troubler et le rendre illisible.
A plus forte raison, la dernière née des religions qu’est l’islam, qui pour cette raison même a suscité beaucoup plus de réactions de la part de ces ennemis de la foi qui ont paniqué à l’idée que cette religion puisse échapper à leurs méchanceté. Ils ont mis toutes leurs forces pour préparer à l’islam le même destin que celui que connurent les autres religions avant lui. En fait, cela est la règle parce que Dieu veut soumettre les hommes aux épreuves de la foi. Se dire croyant doit se prouver dans les épreuves, en gardant sa lucidité et en étant imperturbable par les interférences sataniques.
D’autre part, Dieu a promis de défendre Sa religion et de la mettre à l’abri des coups de Ses ennemis.
Si bien que si des dommages graves ont été causés dans les rangs des croyants, l’essence de l’islam a été préservée.
De nos jours, les croyants ont assez à faire avec l’effort pour renforcer leur foi, lui donner des assises solides, écarter le doute, surmonter les tentations, pour consacrer leur temps à défendre des positions de compagnons qui furent d’un autre temps. Il ne s’agit pas de vouer aux gémonies certains compagnons : la décision les concernant dépend de Dieu. Mais l’homme qui agit a besoin d’abord au moment où il agit de son bons sens, de son savoir, de son expérience, pas de ce qu’ont fait les autres avant lui et qui n’a été transmis que sélectivement. Les actes des compagnons ne font partie des fondements de la religion.
Et s’il devait garder, légitimement, quelques modèles, il devra les choisir parmi les figures qui sont clairement des exemples, et non imiter des hommes au comportement retors et vil, ou fauteurs de trahisons et de crimes.
Il faut dire que la médiocrité de ‘Abdelwahhab s’explique par l’influence de celui dont il se réclame et qui est Ibn Taymiyya (mort en 728 de l’hégire/1330). C’est de ce dernier que nous allons parler, car il laissa beaucoup plus d’ouvrages caractérisés par un ijtihâd formel, et surtout par ses outrances à propos de tout[2]. Ibn Taymiyya fait partie de ces musulmans qui ne se remettaient pas du choc causé par la chute de Bagdad entre les mains des Mongols, durant la seconde moitié du 13ème siècle. Choc traumatisant en effet, car les musulmans réalisaient qu’ils n’avaient plus la supériorité militaire dans le monde, et qu’ils venaient d’être touchés au cœur même de leur puissance.
Né quelques années après l’évènement, Ibn Taymiyya n’en a pas été le témoin ni le contemporain conscient. Pourtant, entre la date de sa naissance et le moment où Ibn Taymiyya réalise la gravité de l’évènement (sans en comprendre la signification réelle), les Mongols s’étaient convertis à l’islam par un revirement rare dans l’histoire où le vainqueur embrasse la religion du vaincu. Pour Ibn Taymiyya et ses semblables, la disparition de l’empire abbasside tombé entre des mains étrangères mettait fin à une longue succession de juristes occupant des postes importants au service du ‘’khalife’’ qui était en fait un simple roi héritant le trône de ses parents. C’était effectivement, un symbole central qui disparaissait de la scène musulmane. Ibn Taymiyya ne pouvait pas voir en cela autre chose qu’une porte ouverte à l’hérésie et au libertinage, ce qui est la réaction d’un juriste borné et naïf.
Il ne réalisait pas que cette situation exceptionnelle était autrement plus grave qu’il ne le pensait. Elle n’avait pas besoin de ses services : on ne soigne pas un homme malade et désespéré, avec des fatwas. On n’arrête pas un cyclone avec des décrets. Ibn Taymiyya aurait du comprendre que même si le ‘’califat’’ avait survécu, il n’aurait pas pu sauver la oumma ; le mal qui la rongeait n’avait rien à voir avec les mongols. Ces derniers n’ont été que la cause seconde qui a fait s’écrouler un édifice déjà pourri, qui a fait crever l’abcès.
La société musulmane issue du califat venait d’atteindre son terme. Politiquement, elle avait consisté en une suite ininterrompue de dynasties nourries par les ‘asabiya arabes et musulmanes. C’est l’institution califale qui a causé la chute du califat. Ce sont ces erreurs, ses trahisons, sa faiblesses. Depuis les omeyyades, les dirigeants musulmans ont pris la mauvaise habitude de s’emparer du pouvoir en opposant une partie des musulmans contre l’autre partie. Il n’y eut en fait tout au long de notre histoire qu’une succession de guerres causées par des ambitieux dans lesquels les musulmans lambda ont laissé leurs vies. Le système de succession a eu pour moteur ce qu’Ibn Khaldûn a appelé ‘asabiya, sectarisme. Les musulmans ont souffert beaucoup de leurs dynasties.
La chute du califat de Bagdad fut en réalité un mal pour un bien.
Les fuqaha plus ou moins intéressés ont servi les dynasties, parce que ces dernières le voulaient. Ils savaient les limites de leur pouvoir et ne les outrepassaient pas. Il ne fallait pas par exemple prendre le risque de rappeler au sultan son devoir. Mais les rois savaient qu’une loi était nécessaire pour administrer leurs sujets.
Ibn Taymiyya qui appartenait à la caste des fuqaha, pensait comme  ses prédécesseurs que le fiqh (droit) devait se confondre avec l’islam et réciproquement. Il pensait que pour raviver le feu de l’islam, il fallait ‘’appliquer’’ la loi, même si les musulmans n’avaient plus d’état ni de facto, ni de jure.
Cette ‘’oumma’’ allait rejoindre le passé, (tilka oummatun qad khalat). Pour la reconstruire, il eut fallu une autre ‘asabiya, ce que la société musulmane, épuisée par les querelles, ne pouvait plus susciter. On peut aussi dire que la ‘asabiya composée par les Mongoles était plus puissante que celles des musulmans dirigés par des Arabes. L’édifice dont les piliers furent édifiés par les premiers califes, devait s’écrouler en faisant un grand bruit. Mais cela pouvait aussi faire du bien aux musulmans.
L’expérience se renouvellera par la suite, à chaque fois que notre chute se poursuivra d’un échelon plus bas. En 1830, Alger tombera aussi, après avoir été maintenue artificiellement en vie par les Ottomans pendant trois siècles. La société musulmane allait toute entière connaître l’humiliation de la colonisabilité.
Mais les musulmans n’avaient jamais perdu la foi, al-hamdu li-Llâh, même s’ils avaient perdu l’art et la technique de faire progresser la société avec la foi. Même durant les 130 ans du colonialisme français le plus haineux envers l’islam, les algériens ont su garder leur foi dans leur cœur. Même sans avoir un corps de juristes compétents. Bien loin de sous-estimer le rôle des juristes, je veux seulement dire que leur fonction n’avait plus lieu d’être surtout dans la solennité ancienne, pour la bonne raison que les rois qui distribuaient l’or à leurs courtisans étaient eux-mêmes appauvris et recevaient leur cadeaux des puissances étrangères. Un fiqh nouveau doit voir le jour, avec une liberté de pensée.
Nous avons gardé notre foi en l’islam, en dépit de notre décadence, de notre faiblesse devant notre ennemi ; cela signifie que le problème n’était pas dans la religion, mais seulement dans notre façon de gérer notre société. Cela est l’argument maître à opposer à ceux qui encore aujourd’hui considèrent les musulmans comme des mécréants et que leur sang est licite. A‘ûdhu billâh.
En fait, tous les musulmans traversaient un grave malaise qui ne consistait pas seulement dans la disparition d’une fonction de l’État ou même de l’État tout court. C’était l’absence d’orientation, de consolation, de solution de rechange qui faisait encore plus mal. La littérature et les chroniques arabes de l’époque  signalent beaucoup de faits qui sont des indices d’un malaise dans la civilisation : crimes abominables, suicides, perte de la foi en Dieu, etc. On peut trouver quelques éléments de cette sociologie, par exemple, dans l’ouvrage d’Ibn al-Fuwati, intitulé al-Ḥawâdith al-jâmi‘a. Il ne s’agissait pas d’une simple aggravation de la délinquance que les états modernes savent endiguer par des mesures policières. En ce temps-là, les musulmans savaient encore parler de leur malaise, ou du moins ils le pouvaient s’ils le voulaient.
Ibn Khaldûn est le génie maghrébin qui a démonté le système de la ‘asabiya. Un pouvoir politique pouvait prétendre à un statut de simple émir, de sultan, ou de calife en fonction de la puissance de sa ‘asabiya. Mais Ibn Khaldûn a eu le regret de ne pas être le témoin de la résurgence d’une ‘asabiya considérable. Il n’y aura plus désormais que des petits rois, des petits raïs, parvenus par la combine ou la soumission à une puissance étrangère. Il va de soi que dans ces conditions, les fuqaha sont nuls et vils, les fonctionnaires sont pourris, etc.
Incapables de rassembler une asabiya locale, endogène, ils la trouvaient dans les puissances étrangères qui faisaient d’eux des pantins.
Toute la société est à la mesure, à l’image des gouvernants.
Ce n’est pas avec des hommes pareils que l’on construit des civilisations.
Si cette pensée aliénante n’avait pas pris le pas, si les musulmans avaient eu d’autres guides, on n’en serait pas là aujourd’hui. On les a caressés dans le sens du poil, on a flatté leurs égos, leur a murmuré qu’ils étaient supérieurs, au lieu de leur apprendre ce qu’enseigne le Coran : le mal qui te touche vient de toi, ne le cherche pas chez les autres. C’est le plus court chemin vers la solution.
Les nouveaux ‘’califes’’ sont usurpateurs à double titre : non seulement ils usurpent un titre sans avoir la ‘asabiya suffisante ad hoc, mais en plus leur envergure morale, leur autorité est  loin de les autoriser à porter un titre pareil.
On comprend mieux ainsi que les roitelets et les ‘’présidents’’ actuels ont beau promouvoir leur ‘’rite préféré’’, ils ne tromperont personne. Tout n’est plus que comédie, une triste comédie. La civilisation ne s’achète pas même avec les milliards du pétrole gaspillés.
Depuis, nous sommes devenus les orphelins de l’histoire. Nous n’avons plus d’autre présence que celle de l’ombre, nous sommes sortis de l’actualité temporelle, pour nous réfugier dans un passé figé dans lequel sont gravés les noms de personnes qui nous sont présentées comme des héros si lointains qu’on nous interdit d’enquêter à leur propos, que par crainte déception nous ne trouvions que du vent, que des ancêtres des criminels et des incapables qui nous ‘’gouvernent’’.
L’indépendance et l’arrivée des traitres au pouvoir nous ont même privés des héros de la guerre ? Nous en eûmes pourtant. Personne ne peut le nier, mais les traitres qui nous dirigent avaient peur que la célébration de la mémoire de nos héros, de nos martyrs ne jettent un discrédit sur eux, et les révèlent dans leur nudité. Ils ont continué à enseigner une histoire sans noms, avec une guerre anonyme, sans l’évocation de la souffrance des hommes et des femmes et des enfants. Une indépendance acquise par le GPRA, par exemple. C’est à cela, un sigle, que l’on a voulu réduire l’histoire de notre guerre d’indépendance, à des papiers politiques. Aucun film sur nos héros, aucune célébration de leur mémoire. Boumediene a fait enterrer à deux reprises le plus grand héros de notre histoire récente, le colonel Amirouche qui fut plus grand que Che Guevara et le général Giap, deux grands héros du Tiers monde, certes. Mais Giap n’était jamais en rupture d’approvisionnement en armes et les frontières de son pays étaient sous son contrôle. Amirouche avait pu lever une armée de 12.000 hommes, mais il les a renvoyés ne pouvant les équiper pour en faire des soldats… car nos ‘’politiques’’ qui menaient la vie belle aux frontières ne se souciaient guère de faire passer des armes et des munitions aux forces de l’intérieur… Je me rappelle qu’à ‘’l’indépendance’’ on avait affiché partout ce slogan : ‘’ un seul héros, le peuple’’. Je trouvais cette parole si belle. Devenu adulte, je compris que ce n’était qu’une manière détournée de nous faire oublier les noms de nos héros, pour que les traitres et les usurpateurs n’aient pas de compte à rendre sur leurs activités durant la guerre. On flatte le peuple… pour le tromper. C’est un exemple…

Il ne nous reste comme histoire que les mensonges que les livres qui racontent élogieusement l’histoire de la trahison, par les troupes arabes sans envergure qui avaient eux-mêmes volé les ambitions viriles de leurs frères d’armes bien décidés à mener le combat saint, contre les penchants de leur âme concupiscente. Ils avaient trahi leurs frères avant d’arriver chez nous pour contaminer avec leur cupidité et leur vilenie qui ont dégoûté, l’homme de notre fierté dont les Arabes n’ont même pas su garder le nom exact, en le surnommant Kuceyla, qui n’est rien d’autre que le nom de sa sous-tribu, les Iksilen, arabisée en Kuceyla. On nous a trompés avec 'Oqba ibn Nâfi’, de la génération des traitres et renégats de l’islam, qui avait tourné le dos à l’enseignement du Prophète (S) et qui a été renvoyé en Berbérie une seconde fois, cette fois par Yazid ibn Muawiya avec pour mission urgente de mater la révolte berbère avant qu’elle ne réussisse à établir une jonction avec la révolte de l’Imam Hossein. Avant d’arriver chez nous, les soldats ommeyyades ont tué, sur leur route, en Egypte, Mohammad le fils d’Abou Bakr al-Siddîq, et pire ils ont mis son corps dans le ventre d’un âne et l’ont incinéré avec une haine qui est propre à la mentalité de la djahiliya.
Le chef de la tribu des Iksilen, de la confédération des Awraba, mourut pour la même cause que celle de l’Imam Hossein, celle d’une revendication de l’islam prophétique authentique. Sa tribu les Awraba restera fidèle à la famille du Prophète, et ce seront les Awraba qui apporteront leur soutien à Idriss, l’éponyme de la dynastie Idrisside et dont le fils, Idriss 2, sera le fondateur de Fès. Les Berbères qui avaient été séduits tôt par la nouvelle religion ne voulaient pas de sa version omeyyade. Les soldats de ‘Okba n’étaient plus les Compagnons. Ils étaient devenus des hommes qui n’avaient d’intérêt que pour les biens matériels, le butin : l’or et les femmes.
Les arabes étaient si pressés de faire fortune que leur ruée vers l’ouest (le Maghreb) n’avait rien à envier en cruauté, violence et barbarie à celle du Far West américain. Ils étaient motivés par une cupidité telle qu’en cours de route, ils ont oublié la raison même de leur sortie de la péninsule arabique : apporter l’islam dans sa meilleure définition. Le message céleste est tombé de leur monture, oublié sur les essarts…
 C’est ce qui explique qu’aujourd’hui encore, la seule image qu’ils ont gardé de  la ‘’grandeur’’ de l’islam est celle de la conquête (futuhât) qui fut toute entière contraire à la Loi musulmane. Ce qui explique ce genre de mouvement où l’on fait croire aux gens qu’il est possible de vaincre le monde entier avec des armes que l’on est incapable de fabriquer.
C’est ce qui explique aussi que les Arabes ne sont pas encore devenus musulmans, alors que les peuples qu’ils ont conquis le sont devenus, et le comprennent mieux qu’eux.
Malheureusement, ce rêve débile de conquête d’un monde énormément plus fort que soi, a contaminé pas mal de peuples non arabes rêvant eux-aussi de partager un butin aussi difficile à prendre que la peau de l’ours. Rêve vain de s’emparer d’un trésor inaccessible.
Dieu n’a pas envoyé le Prophète (S) ni enseigné l’islam pour qu’il devienne une religion entre les mains de misérables ambitieux qui rêvent de tyranniser et de terroriser le monde.
En Afrique du Nord, nous n’avons pas pu nous organiser ; les omeyyades et leurs suivants les abbassides, ne nous ont pas donné de répit pour créer une nouvelle ambiance pouvant libérer les énergies positives qui nous auraient permis d’illustrer par des actes notre aspiration profonde.
On comprend pourquoi, l’islam ne s’est pas répandu aussi rapidement qu’on le dit, ni même sans violence. Dès lors qu’ils ont été démasqués pour de simples conquérants, les arabes ont en fait été bloqués dans leur avance par les berbères qui furent conquis par l’islam, mais pas convaincus par ceux qui prétendaient le leur apporter. Ils ont éliminé ‘Oqba ibn Nâfi et ils ont mis au pouvoir un des leurs que les sources appellent Koceyla et qui les a dirigés pendant cinq ans en faisant de Kairouan sa capitale.
Les conquérants arabes sont revenus plus tard avec des forces considérables. Ils ont fini par avoir le dessus et ont imposé une forme d’islam portant des œillères omeyyades. Ils ont contaminé les berbères avec leur mentalité dénuée de véritable ambition islamique. Nous sommes restés attachés, des siècles durant, à un islam dévalué, un islam où des hommes médiocres nous ont été présentés avec une fausse auréole de sainteté, un islam en version politique, qui protège les usurpateurs.
Parce que ces errements des premiers temps vont laisser des traces indélébiles. Parce que pour les effacer, il eut fallu une volonté immense que les Arabes étaient incapables d’avoir. Toute l’histoire ultérieure s’en ressentira. Les peuples islamisés vont avoir pour première priorité de se débarrasser des dynasties arabes installées chez eux, tout en restant musulmans eux-mêmes. Mais ils ne feront que remplacer les arabes, sans se débarrasser eux-mêmes des facteurs négatifs hérités d’eux. Désormais, le pouvoir musulman sera frappé de ces habitudes arabes, de ruse, de terreur. Avec quelques sursauts périodiques quand même révélant l’existence de mouvements informes et profondément ancrés dans la société et se manifestant de temps en temps pour se faire connaitre. Il y a eu entre autres le mouvement fatimide, le soutien inattendu aux Idrissides, et le fait que les deux seuls dynasties musulmanes désignées par leur programme plutôt que par les noms de leur fondateurs sont des dynasties berbères : les almohades et les almoravides.
Et le déferlement des brutes arriérées des Banû Hilâl a fini de nous assommer. Il a fallu aux berbères trois siècles pour les domestiquer, refréner leur tendances innées au brigandage. A la fin, nous étions trop fatigués, usés par des siècles de vains espoirs, tout juste bons pour tomber dans le piège de la colonisation occidentale. C’est cela l’origine de notre colonisabilité : l’épuisement causé par des siècles d’effort pour tenter d’assimiler un peuple… inassimilable, après de siècles où nous avons usé nos énergies à tenter d’imposer des ‘asabiya, de les installer en espérant qu’elles gouverneraient pour des millénaires..
On peut penser que l’activité intense que déploya Ibn Taymiyya pour la rédaction de fatwas répondait dans son esprit à la nécessité de combler le vide juridique, que ‘’le gouvernement intérimaire’’ installé en Egypte, après la chute du califat de Bagdad (1258), ne pouvait pas assumer.
L’ambiance régnante ne permettait pas loin s’en faut de remédier à la situation.  (Le seul pouvoir politique capable d’agir était celui des Mongols.) Il n’y avait plus de pouvoir pour décider au nom de tous les musulmans. Ceux de l’Orient étaient désemparés, et beaucoup pensaient que la chute de Bagdad était un signe de la fin du monde, car ils étaient incapables de contenir et de repousser les envahisseurs mongols.
En fait, s’il n’y eut pas de puissance politique capable de relancer l’unité musulmane, c’est parce que la corruption avait rongé et épuisé les énergies en Orient, alors qu’au Maghreb, on assista deux siècles auparavant à l’émergence d’une puissante dynastie réformée, celle des Almohades, qui fut apte à repousser les attaques venues de l’Occident européen, reportant de trois siècles la perte de l’Andalousie.
Damas et le Caire, anciennes capitales d’empires musulmans étaient redevenues les nouveaux centres du pouvoir musulman, mais sans jamais égaler l’importance qu’eut Bagdad.
C’était donc un problème de civilisation, et ce problème ne relève pas du fiqh classique qui n’avait même pas le droit de regard sur les actes des gouvernants. Un problème de civilisation a besoin de sociologues qui examinent la société en tant que formant un corps, de spécialistes de l’anthropologie, pas de juristes. Une société qui souffre ne se soigne pas par une série de décrets. C’est tout l’homme qu’il faut redéfinir avant de prescrire un remède efficace au malade. En un mot, Ibn Taymiyya n’avait pas la compétence pour se mêler de près ou de loin. Mais l’ignorance ose tout.
Paradoxalement, c’est dans cette situation ubuesque qu’Ibn Taymiyya  s’emploiera  à rédiger son œuvre de mufti émettant des avis juridiques sur tous les sujets, les plus éloignés de la réalité vécue au quotidien, et en totale rupture avec le réel ; dépourvu du sens historique qui seul permet d’interpréter les évènements de façon bénéfique, Ibn Taymiyya fait des raisonnements dans l’abstrait, comme si rien ne s’était passé, et comme si l’empire était encore  debout. Il travaille pour l’hypothèse absurde où l’empire n’allait pas tarder à renaître de ses cendres pour poursuivre son chemin avec les mêmes hommes. Il s’offre le luxe de rédiger des fatwas condamnant des idées n’ayant plus cours, sans prégnance sociale, dans une société aux abois. Mais il espère que son action servira plus tard à revenir plus facilement au cadre régissant la société musulmane avant l’invasion mongole. Ibn Taymiyya ne se demande pas si la chute de Bagdad ne présentait pas aux musulmans l’occasion de réviser les principes et d’entamer un changement de cap. Ses prescriptions sont en général orientées dans le sens d’un retour au statu quo ante.
Sur ce point, on ne peut pas se tromper : Ibn Taymiyya a compris que les progrès de la pensée musulmane au Maghreb et en Andalousie dérangeaient énormément, d’autant plus que deux penseurs venus de ce Maghreb connaissaient déjà en Orient un succès immense : Ibn Arabî et Ibn Sab‘în, mais surtout le premier. Ibn Taymiyya eut, lors de son séjour à Alexandrie, l’occasion de s’entretenir avec les représentants de ces deux écoles de pensée.
La prise de Bagdad par les Mongols, puis des siècles plus tard, l’occupation de l’Algérie par la France, et récemment l’occupation de l’Irak par les USA ne sont que des moments d’épreuve destinés à purger les musulmans de leurs illusions passéistes. On cherche à les amener à lâcher l’ombre et à voir la lumière, à voir l’essentiel, ce qui a compté dans leur passé, la cause véritable de leur chute. Il y avait beaucoup à apprendre de cette expérience coloniale. Et de toute façon, c’est Dieu qui décide des épreuves à infliger. Nous devions apprendre qu’il ne faut pas regretter la fin des empires, que la puissance réelle n’est pas dans les possessions matérielles, ni dans le montant des taxes prélevées, ni même dans le sang versé, mais uniquement dans la fidélité à l’enseignement originel. Les musulmans continuent de trainer trop de reliques, trop de traces de leur ‘’grandeur’’ passée dont l’évocation leur fait mal. Les écrits nombreux, la production écrite des auteurs de la civilisation musulmane fut si féconde que malgré tous les incendies, tous les autodafés, nous avons encore tant de titres d’ouvrages, tant de manuscrits que nous ne réalisons pas encore tout à fait que tout cela ne regarde plus que ceux qui les ont écrits, que nous sommes incapables de les comprendre, de nous en approprier le contenu. Nous ne savons pas quoi faire pour que ce lourd et encombrant héritage nous enrichisse au lieu de nous inhiber. Nous sommes morts depuis longtemps, mais nous ne le savons pas encore. Nous devons créer notre monde avec nos propres mains, et ne pas attendre qu’on ressuscite pour nous l’ancien monde. Malheureusement, Ibn Taymiyya fut de ceux qui ont entretenu cette illusion qu’il est possible de faire marche arrière dans l’histoire, de retourner à un modèle qui n’a jamais existé en réalité mais que les esprits usés et impuissants des 13ème et 14ème siècles ont fini par concevoir comme une fantaisie durable entretenue par des mentalités de vaincus. Depuis ce temps-là, on nous promet l’impossible Nahda qui ne viendra jamais car on ne se réveille pas à la réalité quand on pose sa tête sur un oreiller bourré d’illusions. Le maître mot de sa pensée est le salaf. Notre religion, celle dont nous sommes fiers sans toujours savoir pourquoi, nous parle avec insistance de l’imitation du Prophète (S) ; elle nous recommande l’effort intellectuel, l’ijtihâd pour devenir meilleur. Le Coran s’adresse à nous les croyants : ‘’ O vous qui croyez !!! ‘’. Il nous interpelle comme il interpela les premiers croyants. C’est à nous que s’adresse le Coran ; et Ibn Taymiyya ne cesse pas de nous aiguiller vers le salaf[3]. Je ne sais pas ce que recouvre ce mot, mais il a une odeur d’innovation, une sorte de mot trompeur, un mot qui n’a reçu aucune bénédiction divine ou prophétique, qui rappelle plutôt les arguments des polythéistes : « Nous adorons les idoles de nos ancêtres, et nous continuerons à suivre leurs traces… ». Si par salaf, Ibn Taymiyya veut parler de l’ensemble de ceux qu’il a bien notés lui-même, nous lui rétorquerons qu’il y eut aussi tant d’hommes du salaf, qui s’empoignaient souvent à mort, bien qu’ils fussent tous des musulmans, que tant d’arabes convertis aux premiers temps ont renié leur foi, ou se sont montré faibles, etc.
Or nous SOMMES aujourd’hui les Compagnons du Prophète, les compagnons de son absence. En tout cas, c’est ce que l’islam attend de nous. Nous continuons à mener son combat. Nous ne déméritons pas de ce point de vue. L’important, c’est le Message. Ceux qui le soutiennent se succèdent, chacun remplaçant la position défensive de celui qui l’y a précédé.
La grandeur de chaque génération doit être recherchée dans le présent personnel, dans les aspirations des vivants, pas dans un passé indéfini, dans les cœurs et pas dans les histoires.
Wa lakum fî rasûlillâh uswatun hasana.
La grandeur doit être recherchée dan l’imitation de la Personne de celui qui l’a incarnée, et dans son enseignement. Ne suivons pas les sahabas, devenons-nous-mêmes des sahabas du Prophète, et non pas les derniers maillons d’une chaine de compagnons de compagnons de compagnons, etc.
Pourquoi Ibn Taymiyya et le wahabisme cherchent-t-ils donc à nous imposer une grille de lecture qui est tout à fait contraire à la démarche scientifique authentique qui consiste à tout passer au crible de l’intelligence ? Pourquoi cherchent-t-ils à nous imposer des raccourcis suspects ? Il craint que par notre seule démarche, nous fassions fausse route. Qui l’a nommé à cette fonction de gardien de la foi, de censeur et d’inquisiteur ?
Qu’est-ce qui a motivé Ibn Taymiyya pour mettre le salaf au centre de sa pensée ? Sûrement, la solution de facilité. Effrayé par la perspective d’un avenir trop incertain, il s’est laissé happer et dévorer par l’illusion passéiste, douce et soporifique. Il remporte des victoires sur le papier, faute de les gagner sur le champ de bataille.
Dans ses écrits, Ibn Taymiyya ne prend pas la peine de construire son exposé autour d’un plan précis, ni de définir ce qu’il a l’intention de soutenir, ni la méthode qu’il compte utiliser à cette fin, ni à qui il s’adresse, et surtout avec quelle puissance il compte faire exécuter ses sentences, car légiférer implique un pouvoir exécutif, une armée et une police. Molki nadârad ân-ke sepah nadârad, dit Rûmî : N’a pas de royaume celui qui n’a pas d’armée ! Son œuvre fut destinée aux esprits morts. C’est pourquoi seuls les esprits morts et semeurs de mort le tiennent pour modèle.
Il a hâte d’arriver à son but : ramener son lecteur au mirage du désert salafiste, et espérer lui transmettre une dose de son optimisme artificiel, le garder bien au chaud pour l’empêcher de renaitre avec des idées novatrices qui remettraient en question l’héritage des empires qui ne représentent tout au plus qu’une phase, d’ailleurs ô combien regrettable de notre histoire. Reprendre tout depuis le début, exposer ses motifs, mener un exposé scientifique, s’obliger à définir le vocabulaire, la méthode suivie, tout cela risquait de le décourager, de le faire renoncer à la tâche.
Il ne justifiera jamais l’emploi excessif de cette référence au salaf, qui n’a aucun appui dans le Coran ni dans la tradition, alors qu’il n’hésite pas lui-même à qualifier de bid‘a, innovation blâmable, tout ce qui dépasse son entendement. D’ailleurs la racine slf est en consonance avec la raine srf qui désigne l’excès, l’outrance, isrâf. Les Arabes sont condamnés dans le Coran pour être des musrifûn, des outranciers.
S’il ne peut réfuter l’idée, qu’importe ! Il réfute l’homme promoteur ou partisan de cette idée. Par paresse, il ne prend pas la peine d’expliquer l’idée telle qu’elle est exposée par ses auteurs dans leurs écrits. Il se contente de la résumer, de la parodier, de la tronquer ou de l’exposer hors de son contexte.
En revanche, quand il veut défendre un homme qui a sa préférence, il s’emploie à le rattacher par des subterfuges à des idées excellentes (à ses yeux) auxquelles il finit par l’associer, avant de l’encenser en accolant son nom au mot magique : le salaf.
Ibn Taymiyya n’est sûrement pas un penseur au sens strict du mot, mais un manipulateur.
On ne retrouve pas chez lui la démarche scientifique ou rigoureuse que l’on observe chez la plupart des penseurs musulmans qui l’ont précédé, comme les théologiens, les philosophes, les maitres spirituels. Al-Ghazzâli (mort en 1111), par exemple expose honnêtement et fidèlement les doctrines et opinions des philosophes avant de les réfuter ou d’en montrer les faiblesses, en leur opposant des arguments rationnels et en évitant l’invective et l’anathème (takfir).
Il ne viendrait à l’idée de personne de prononcer le takfir de Platon, d’Aristote, de Plotin ou de Ptolémée. Pourtant Ibn Taymiyya considère tous les penseurs qui n’ont pas sa bénédiction comme des kâfirs.  Il ne voit pas la pensée comme un effort des hommes, d’un effort soutenu et poursuivi par des générations d’hommes pour faire aboutir à quelque chose qui rapproche de la vérité. Les premiers théologiens de l’islam ont dit aussi beaucoup de choses que nous qualifierons de bêtises aujourd’hui, mais ils avaient eu le mérite de poser les fondations d’une science nouvelle. Plutôt que de les déclarer hérétiques, il faut saluer leur mérite de pionniers et relever bien entendu leur faiblesse. Les mutazilites ont fait surement des erreurs de jugement, mais aujourd’hui tout le monde s’accorde à leur reconnaître le mérite d’avoir soulevé en premier certaines des graves questions théologiques et philosophiques.
Ibn Taymiyya manque dramatiquement du sens historique et s’imagine que tous les évènements relèvent de la justice des hommes. Il ne tient pas compte du hadith sunnite selon lequel si le chercheur qui trouve reçoit une double récompense, le chercheur qui se trompe a aussi droit à une récompense. Pour lui, toute idée exposée, sauf la sienne, condamne son auteur à la malédiction. Il se moque de savoir que la science progresse par à-coups, par corrections successives.
Je parle de lui en ces termes, parce qu’il n’a pas hésité lui-même à utiliser un vocabulaire diffamant[4] à l’égard d’Ibn Tûmart (mort en 1130), un homme de chez nous, fils de la terre de Berbérie, qui fut un esprit éclairé ayant réussi à injecter une bonne dose de rationalité dans la théologie musulmane qui se mourrait en Orient, comme nous allons essayer de le montrer pour ceux qui ne le connaissent pas.
La dynastie Almohade qui se fonda sur la base de son enseignement a engendré Ibn Rochd et Ibn ‘Arabî. Ces deux seuls noms auxquels nous pouvons ajouter ceux d’Ibn Tofayl, d’Ibn Sab’în, de Sidi Abû Madyan, et même d’Ibn Hazm avant eux, devraient suffire à remettre Ibn Taymiyya à sa place et à l’envoyer chercher ailleurs une pâture pour nourrir sa méchanceté viscérale.
Quand Ibn Taymiyya ose s’attaquer à Ibn Tûmart, il commence par essayer de déstabiliser son ‘’ennemi’’ en rapportant des commérages ayant eu cours à son sujet. Ibn Taymiyya les rapporte sans émettre le moindre doute sur leur authenticité. Normal ; il ne leur donnerait pas du crédit s’il ne les mettait pas en tête de son exposé. Pourtant, de nos jours, il n’échapperait pas à une accusation de diffamation[5]. Mais l’arbre ne saurait cacher la forêt, même si on attribuait une part de vérité à ses mensonges, la personnalité d’Ibn Tûmart n’en serait point atteinte, car il reste indubitablement un penseur d’une grande étoffe, d’une haute facture.
Le fondateur du mouvement almohade fait partie des trois ou quatre grands penseurs qui font la fierté du Maghreb et de l’Andalousie. On peut même le considérer comme leur chef de file, leur leader, car c’est son œuvre qui a rendu possible l’avènement des deux autres, Ibn Rochd et Ibn Arabî, ainsi que la compréhension de leurs œuvres respectives.
Revenu de son voyage en Orient où il avait rencontré, dit-on, le grand réformateur khorassanien abû Hâmid al-Ghazzâli, Ibn Tûmart ramène dans ses bagages quelques notes qui vont lui permettre de diagnostiquer le mal dont souffre la société musulmane. Il est persuadé que l’Orient est allé trop loin dans l’égarement et que seul des occidentaux musulmans non infectés par ce mal seront à même de lui trouver un remède. Son diagnostic est clair : il faut aller plus loin que Ghazzâli. Il ne s’agit plus seulement d’apporter une rupture dans l’épistémologie (ihyâ ‘ulûm al-dîn), en revivifiant les sciences de la religion, (ce qui est aussi indispensable) mais de bouleverser, de révolutionner la façon dont la religion était vécue socialement. Autrement dit, le problème était aussi idéologique : instaurer une ambiance nouvelle au sein de la société vis-à-vis de ce que l’on croit être la connaissance religieuse, la perception du dîn, libérer le dîn pour le rendre aux croyants. Le savoir des musulmans allait sans cesse à la dérive. Les fuqaha ne se préoccupaient pas de chercher à connaître la vérité, mais seulement à faire triompher leur propre madhhab respectif. Il n’y avait plus de science vivante et créatrice qu’on appelle ijtihâd, mais seulement une reproduction par imitation d’un savoir ancestral dont on ne se souciait plus de vérifier la solidité des fondements, considérant qu’ils sont acquis une bonne fois pour toutes. Il ne faudrait pas s’étonner que parmi les griefs qu’adresse Ibn Taymiyya à Ibn Tûmart, figure celui qui l’obsède le plus, et qui concerne l’entretien du mythe du salaf : Ibn Tûmart avait supprimé la mention des noms des quatre premiers califes dans le sermon de la prière du vendredi !! Sacrilège ! Pourtant cela aurait fait surement plaisir aux quatre califes d’apprendre qu’enfin la prière collective a été remise en conformité à la tradition prophétique. Mais Ibn Taymiyya entretient une autre visée, sous le couvert de la défense des califes… Il ne cherche pas à faire vivre la tradition du Prophète (S), il lutte pour perpétuer l’ambiance abbasside !
Ibn Tûmart a une intuition géniale qu’il formule ainsi : il faut ré-enseigner aux musulmans le monothéisme, rendre à l’islam son unité intrinsèque qui est d’être le reflet de l’unité divine. C’est cela le sens premier que vise à faire connaître son mouvement appelé al-muwahhidûn (les unitaristes). Contrairement à ce que comprend Ibn Taymiyya, il ne cherche pas à enseigner ou à rappeler qu’en islam Dieu est unique, – c’est une évidence – mais à réapprendre à le penser sans se heurter au butoir toujours persistant de la contradiction existant entre les positions acharite et mutazilite qui sont défendables toutes les deux, mais que l’on n’arrivait pas à réduire à l’unité. Ibn Taymiyya obsédé par la recherche du biais facile pour attaquer et dénigrer n’y comprit rien. A vrai dire, il faisait partie lui-même de cette partie des musulmans qui avaient besoin de mettre leur savoir à l’heure, de l’extirper de l’état où il s’était figé depuis trois siècles, se montrant incapable d’aller plus loin que la dichotomie théologique mutazilite-acharite. Ibn Taymiyya ne pouvait pas admettre cela à cause de plusieurs préjugés, dont le premier, le mépris des non-arabes, qu’il manifeste lui-même en parlant ‘’des pauvres berbères des montagnes comme d’hommes ignares’’ qu’Ibn Tûmart serait venu tromper en abusant de leur ignorance !!! A-t-il jamais mis les pieds au Maghreb ? N’avait-il pas rencontré des hommes du Maghreb au Caire et à Damas, qui se trouvaient là justement pour enseigner la doctrine du Shaykh al-Akbar, Ibn Arabî ? Pensait-il vraiment par un préjugé antiberbère, que les maghrébins étaient des ignorants ? Sans chauvinisme de ma part, je ne doute pas qu’en ce temps-là, le Maghreb avait qualitativement plus de savants que l’Orient[6].
Ibn Tûmart enseigne des idées qui dépassent en portée celle du discours juridique du premier degré dont l’essence même est de diviser. La sagesse, la philosophie, la sociologie sont des sciences qui unifient, alors que le fiqh est une science normative, qui entraine la division, la discrimination et qui oppose forcément des hommes à d’autres. C’est une vieille querelle de préséance entre les fuqaha qui étudient les applications pratiques de la sharia et les philosophes, les maitres spirituels et les théologiens qui étudient les sciences portant sur le fond des choses. Les fuqaha ont toujours jalousé ces derniers, alors qu’ils savent bien que la noblesse d’une science dépend de la noblesse de son objet. Celui qui médite sur les choses divines est quand même plus élevé en rang que celui qui étudie les conditions du partage de l’héritage et les parts qui reviennent aux uns et aux autres, même si chacun a son mérite.
Ibn Tûmart était bien au courant des difficultés que présentaient les écoles théologiques musulmanes. Il ne s’est pas rendu en Orient pour apprendre le droit, devenir un faqih au sens restreint. Il était suffisamment formé dans les écoles maghrébines qui jouissaient déjà d’un grand prestige. Il était parti pour prendre le pouls de cet Orient malade de ses excès.
Plutôt que d’œuvrer à perpétuer la haine que se vouent ces deux tendances globales de la théologie musulmane, Ibn Tûmart introduit une idée fondamentale qui vise à surmonter et à résoudre la plus grande aporie de la théologie musulmane.
Il fut le premier à parler de l’être absolu à propos de Dieu. Ibn Sinâ ne fut pas loin de le faire... mais c’eut été trop tôt. D’ailleurs dans sa critique, Ibn Taymiyya ne manque pas d’établir un lien entre les deux hommes, qu’il associe  avec sa bête noire et sa cible préférée, Ibn Sab‘în.
Pour Ibn Tûmart, poser cette instance permet de relativiser la gravité de l’opposition transcendance - immanence. Cela sera mis au clair par Ibn Arabî.
Ibn Taymiyya n’hésita cependant pas comme à l’accoutumée à s’en prendre à cette idée selon ce qu’il en comprenait, c'est-à-dire pas grand-chose. Il aurait dû se contenter de faire du droit relevant des cas habituels que soulève son école juridique, le hanbalisme, plutôt que de se mêler de casuistique philosophique. Mais n’oublions pas qu’il agit, guidé par le seul souci d’empêcher l’émergence d’une pensée scientifique libre dans la société musulmane. La liberté lui faisait peur, comme à beaucoup d’autres. C’est un signe de faiblesse de la foi que de ne pas faire confiance aux hommes, à nos semblables. Le gouvernement almohade a donné l’exemple d’un grand courage en rendant possible l’avènement de l’œuvre et de la pensée d’Ibn Rochd. Ibn Taymiyya aurait dû noter que ce fut chez nous les Berbères, que sont nées les deux seules dynasties musulmanes ayant des noms faisant référence à un programme d’idées : les Almoravides (al-murâbitûn) et les Almohades (al-muwahhidûn). Les dynasties orientales portent toujours les noms de leurs fondateurs, omeyyades, abbassides, seldjoukides, bouyides, etc.
Mais passons.
L’Etre absolu n’est pas l’être général des philosophes (al-wujûd al-‘âmm) c’est-à-dire l’être en tant que mot. Il est le degré de l’Essence divine en tant qu’elle est envisagée en Elle-même, sans relations, Dieu en tant qu’indépendant du monde. Ce degré correspond chez Ibn Arabî, à la ahadiyya, c'est-à-dire le niveau correspondant au nom divin al-Ahad que l’on trouve dans le Coran. Tous les musulmans savent d’instinct, dirais-je, que le Nom Ahad n’admet pas la relation de servitude (‘ubûdiyya) puisque de tout temps personne ne s’est appelé ‘abd al-Ahad. Par contre, nous avons le nom ‘abd al-Wâhid, parce que la wâhidiyya correspond à l’unité divine multiple, admettant les relations qu’impliquent les Noms, attributs et actes de Dieu qui eux sont très nombreux. Par exemple, quand nous disons que Dieu est Connaissant, cela implique une science, un être ayant la science et un objet connu. Quand nous parlons du Créateur, nous impliquons des créatures, l’acte de création, etc.
Dans le cas de la ahadiyya, il va de soi que les relations  (nisab) s’annulent, et que les noms divins sont niés parce qu’à ce niveau, Dieu est envisagé en tant qu’Essence inconnaissable, et à propos de Lui, on ne peut dire qu’une seule chose : nous ne savons rien, seul Dieu Se connaît. On ne nie pas la réalité des Noms et Attributs divins. Ils s’occultent d’eux-mêmes quand seule l’Essence sacrosainte est envisagée. Huwa al-Zâhir wal-bâtinu. Il est l’Apparent  et Il est l’Occulte.
Ainsi Dieu se donne à connaître, d’une part, et Il demeure inconnaissable en même temps.
Si dans le discours théologique, on confond ces deux points de vue, il va de soi que l’on proférera beaucoup de non-sens. Le monde dans lequel nous vivons est un monde où se manifestent les noms et qualités divines. Nul ne peut nier leur fait d’être des réalités.
Ainsi avec l’idée d’Etre absolu, on pousse à son extrême la transcendance divine (tanzîh) chère aux mutazilites, et avec la wâhidiyya on affirme l’immanence divine, indispensable degré pour situer le lieu de réalité du domaine des Noms, attributs et actes divins.
L’Etre absolu n’a pas le même contenu chez tous les penseurs andalous-maghrébins, chez Abû Madyan, Ibn Arabî et Ibn Sab‘în, mais ayant été prononcé par Ibn Tûmart, il a ouvert le champ d’investigation aux esprits libres de notre contrée. Il est certain qu’en qualifiant son mouvement de muwahhid, Ibn Tûmart avait bien en vue quelque chose de plus grandiose que ce qu’en a compris Ibn Taymiyya.
Cet unitarisme va féconder la pensée maghrébine qui engendrera la doctrine de l’unité de l’âme (monopsychisme) chez Ibn Rochd[7] (Averroès), la doctrine de l’unité de l’être (wahdat al-wujûd) chez Ibn Arabî, la doctrine de l’unité absolue (al-wahda al-mutlaqa) chez Ibn Sab‘în. En politique, l’unitarisme a réalisé quelques succès comme celui de rassembler les maghrébins pour assurer le maintien de l’Andalousie, avant de s’achever dans une certaine forme de monolithisme. Car la pression des ulémas conservateurs et apeurés finira par faire retomber la tension progressiste, et retourner au malékisme dans les applications du droit (furû’). C’était le début de la fin de la puissance musulmane au Maghreb, dont les signes seront la perte de l’Andalousie, les débuts de l’occupation espagnole et la soumission des pays maghrébins au colonialisme français.
Si Ibn Taymiyya avait de la suite dans les idées, il aurait conclu que la catastrophe mongole aurait pu être évitée si les orientaux avaient prêté l’oreille aux ordonnances ghazzâliennes.
On s’attendrait à ce qu’Ibn Taymiyya aborde le sujet en savant pour soulever quelques critiques sur tel ou tel point de l’ouvrage d’Ibn Tûmart. Eh bien, non ! : Comme à son habitude, il recourt à son langage de l’invective, de la menace et de l’excommunication (takfîr). Il se contente de citer des versets coraniques qui appuient ses dires, sans se douter que ceux qu’il critique sont aussi des musulmans et font aussi un large usage des références coraniques. Et bien entendu, il recommande à ses lecteurs de s’en tenir aux bonnes pratiques du salaf dont il se considère le porte-parole, et dont on n’a jamais compris la composante, ce terme étant dépourvu de pertinence scientifique, et n’étant ni une notion coranique, ni un concept clairement établi.
Avec Ibn Tûmart, va poindre l’aube d’une nouvelle pensée musulmane, grâce sans doute au fait que le Maghreb avait pris ses distances à l’égard des faux conflits qui avaient déchiré les orientaux, et auxquels al-Ghazzâli avait tenté de mettre fin. Cette nouvelle pensée musulmane trouvera son accomplissement parfait dans l’œuvre d’Ibn Arabî. Là aussi, Ibn Taymiyya ne manquera pas l’occasion de se taire, préférant débiter des jugements sur des idées qui dépassent son savoir. Je dirais sans hésitation, que si rien ne va plus dans la société musulmane, c’est parce qu’on tarde à tourner définitivement la page du salafisme et à adopter des idées nouvelles, notamment celles qu’Ibn Taymiyya a mises à l’index.
La démesure de ses jugements n’a d’égale que leur inapplicabilité. Ses ouvrages constituent une sorte de musée des fatwas d’un désespéré. Ils sont le produit d’une pensée réactionnaire par définition. S’il eut disposé du pouvoir, il aurait envoyé tout le monde au bûcher, comme cela advint malheureusement pour tant d’innocentes personnes dans le Christianisme, pour le seul péché de vouloir comprendre, au sujet de la religion, un peu plus que ce qu’en disait le curé du village.
La pensée musulmane est restée encadrée, coincée plutôt, dans les limites étroites qui lui ont été définies par ledit salaf  (puisqu’il faut appeler salaf tout ce qui bloque l’évolution de la pensée) dont la fonction principale est de canaliser les esprits vers l’impasse des Anciens. Cette tentative d’infantilisation de la pensée musulmane a longtemps réussi en se fondant sur des non-dits, des interdits implicites, des prétextes absurdes et une ambiance de peur, de terrorisme : il faut respecter les ‘’anciens’’, ne rien dire à leur sujet. Il ne faut pas soulever le couvercle du puits, khelli lbîr be-ghtâh. Comment, dans ces conditions,  pourrions-nous changer notre état ? C’est nous qui sommes devenus des puits et c’est sur nous-mêmes que nous mettons le couvercle. Nous nous condamnons à ne rien savoir, à ne rien dire… pour une raison que nous ne comprendrons jamais. Nous vivons dans la peur depuis des siècles… peur de ne pas caresser notre interlocuteur dans le sens du poil, de dire quelque chose qui va déplaire à l’inquisiteur inconnu qui se dissimule derrière une barbe ou un turban.
Ibn Taymiyya rêvait  du rétablissement de la dynastie abbasside... pour que tout rentre dans l’ordre, son ordre à lui. Son idéal était un retour au passé. Un passé auréolé d’ombres qu’il appelle le salaf, un composé hétéroclite de sahâba, de tâbi‘in, de tâb’i tâbi‘in, et d’autres entités qui, si elles eurent leurs heures de gloire, pour certaines d’entre elles, n’en demeurent pas moins accessoires pour fonder une pensée islamique dynamique capable de nous orienter par pluie et par beau temps. Des ombres qui se dressent pour faire peur, pour empêcher l’intelligence de dire son mot, et que l’on nous a imposées comme des critères de la foi. Evoquer ces ombres sans faire suivre leurs noms de la formule radiya Allah ‘anhu est un péché.
Nous ne disons pas que la pensée a cessé de progresser ou encore que cela ne servira à rien de faire l’effort après Ibn Tûmart, Ibn Arabî, Ibn Rochd et les autres. Nous ne disons pas qu’Ibn Taymiyya ne fut pas un musulman encore moins qu’il fut un antimusulman. Il s’est tout simplement trompé dans ses jugements, à partir du moment où sa logique s’est fondée sur une idée fausse, et une attitude de réfutation de tout ce qui ne rentre pas dans ses critères érigés au rang de critère religieux absolu, cela l’a conduit à se tromper dans presque tous ses jugements.
J’ai commencé par donner l’exemple d’Ibn Tûmart, parce que je me devais de répondre à une accusation injuste contre un de mes compatriotes berbères du 12ème siècle.
Remarque :
Il faut retourner à la butte témoin où nous nous trouvions une année idéale du temps ayant précédé notre chute, notre sortie de l’histoire. Ce moment, n’est pas nécessairement historique Il est plus important qu’il soit d’abord psychologique.
L’islam qui a été pétri par les hommes, interprété, défendu aux prix de leurs vies par des hommes, des générations d’hommes, n’est pas l’islam initial, celui qui a été révélé au Prophète qui est islam éternel, immuable, Il est en Dieu. Les hommes réalisent l’islam dans le temps et le charge  d’une coloration spécifique, au gré des circonstances que les hommes ont du endurer pour l’appliquer, lui donner une forme temporelle. Cet islam restera toujours en projet, car il défie  toutes les générations. Il a toujours une idée nouvelle à faire germer dans les esprits de chaque génération de croyants. L’islam re-constituable sociologiquement est celui des hommes, celui qui procède d’une interprétation des hommes. Les textes révélés agissent comme inspirateurs, de sens nouveaux. Seul en a compris le sens total celui à qui ils ont été révélés. Ils sont la source éternelle que Dieu a instaurée sur terre.
Lors de la première tentative d’interprétation qui a commencé après la mort du Prophète (S), les musulmans ont vite fait de découvrir que des choix très discutables avaient été pris par certaines personnes qui se trouvaient en charge de leurs affaires. La déviation devenait vite visible. Beaucoup de gens tournaient déjà le dos au message premier. Ce qui est chose normale dans l’histoire de toutes les religions. Ce qui a été visé par la corruption des esprits, ce fut d’abord le pouvoir politique des musulmans, à savoir la désignation des personnes qui devaient décider pour l’ensemble des croyants.
Mais la religion n’est pas que le pouvoir politique. Certaines personnes ont donc tenté de rétablir un équilibre en créant des forces autour du pouvoir de façon à neutraliser les effets négatifs des dictatures, car les chefs tournaient gravement le dos, à partir des omeyyades ;
Le travail culturel, la littérature, les chroniques historiques, les juristes, les théologiens, les philosophes, tous ont contribué à créer un contrepoids destiné à  contenir l’insatiable appétit des gouvernants qui n’avaient de cesse de tenter de museler le peuple, en détournant le message religieux à leur profit.
Dès le début de la première tentative d’instauration de la civilisation musulmane, les musulmans ont rendus perplexes frappés par la façon indécente dont les gouvernants tentaient de tout contrôler de leur vie religieuse, de ce qui se passe dans leurs consciences. Le pouvoir des musulmans est rapidement devenu semblable à n’importe quel autre pouvoir précédent, peut-être pire que le pouvoir des romains de Byzance. La violence s’explique d’ailleurs par l’enjeu que présentait l’apparition de l’islam : celui qui parvenait à contrôler l’islam savait qu’il allait contrôler le monde d’alors. Rien ne pouvait arrêter les ambitions. L’islam sera bientôt une simple enseigne sous laquelle on servira rien d’autre que la corruption, la violence, le meurtre.
Mais la résistance des forces intellectuelles, travaillant dans la terreur, parvenait quand même à faire avancer certains thèmes et certaines idées dans lesquelles certains gouvernants ont cru voir aussi leur intérêt à les promouvoir. Petit à petit, les gouvernants vont découvrir l’intérêt qu’il y avait à se faire les protecteurs de sciences et des lettres.
Ce fut ce que l’on a appelé la période formative du savoir islamique.
Plus tard, on s’apercevra que le savoir des hommes était plus en fin de compte, plus important que leur pouvoir. Les noms de nos grands hommes à survécu alors que ceux des sultans ont disparu.
C’est la revanche de la pensée. Celui qui écrit l’histoire et l’interprète a plus l’influence que celui qui a combattu sans même s’assurer des conséquences ultime de ce qui sera sa défaite ou sa victoire. Omnia vincit veritas.
Si nous voulons renouer avec notre passé, il ne faut pas viser l’instant initial, en tout cas celui où s’introduit la déviation. Il faut purger notre histoire de toutes ses séquences négatives, en en démontrant l’inanité. Autrement, nous devrions refaire tout l’itinéraire suivi par nos ancêtres.
C’est en se comparant aux grands hommes que l’on devient de grands hommes, pas en suivant les traces des traitres, des hommes qui ont vaincu par leurs âmes concupiscentes.
Le bon sens nous commande de retourner au moment précis où nous avons décroché de la scène historique, en ayant cette fois le remède qui nous évitera de retomber dans les mêmes erreurs.
Pour nous autres les peuples maghrébins amazighs, la butte témoin qui sera le lieu de notre ralliement, serait la période où nous avons atteint la maturité sous nos deux grands empires almoravides et almohades, qui ont vu nos peuples récupérer le pouvoir dont les arabes ont toujours vu les dépouiller.
Renouer avec les arabes serait la première erreur à éviter de commettre. Pas pour des raisons basses de racisme, dans lesquelles nous ne tomberons jamais, mais parce que les Arabes ont leur point de référence qui s’oppose justement au nôtre. Eux voudraient réaliser leur rêve de nous remettre le joug, de jouer les grands frères envers nous.
Le retour à leur salaf que prêchent les Arabes ne nous regarde pas, car il ne vise qu’à leur redonner le rôle de leader, en vertu duquel nous renierons tous les efforts consentis par nos ancêtres, notre salaf à nous. Ils ne visent pas à rendre sa grandeur à l’islam. Ils ne savent pas comment s’y prendre.
Le projet islamique est devenu un projet mondial, dans lequel toutes les puissances mondiales voudraient tenir un rôle, les Arabes n’étant pas bien compétents pour y jouer le rôle déterminant.
Le salafisme est donc une entourloupe qui révèle finalement sa véritable nature de complot. Sa mission : prendre de vitesse les musulmans non-arabes, en particulier les Berbères et les Persans, et les écarter de la direction des affaires musulmanes.
Avec les Almohades, les berbères sont sortis de leur ‘’minorité’’ au sens kantien. Ils ont ‘’osé’’ agir pour l’islam en s’inspirant de leurs propres maitres qui ont surpassé ceux de l’Orient.
Les Arabes ont un mythe pour histoire. Leur passé n’a consisté qu’en une lutte impitoyable pour le pouvoir, un pouvoir qui avait été attribué par Dieu à des personnes bien déterminées. Ils l’ont usurpé, et ont ce faisant commis le pêché du peuple de Sâlih (s).
C’est la raison pour laquelle ils ont produit le madhhab le plus stérile, le plus répugnant qu’est le wahhabisme qui se résume pour le ‘’croyant’’ à obéir aux gouvernants quelque soit leurs comportements. Une ‘’école’’ qui ne contient que des interdits et qui ne formule pas grand-chose au sujet de ce qui est permis. Une école qui interdit la pensée, la réflexion, l’étude de l’histoire, parce qu’ils savent qu’ils n’y figureront pas en bonne place, et surtout pas en héros.
On comprend alors la raison inavouée pour laquelle les Arabes voudraient ré-islamiser les croyants non-Arabes, et non provoquer une révolution sociale parmi les musulmans dans leur ensemble : ils cherchent à se redonner le rôle du ‘’salaf’’ lui-même, pendant que le berbère jouerait le rôle de brebis égarée qu’il s’agit de ramener à la foi vraie telle qu’elle est perçue par l’Arabe, qui lui jouerait le rôle du loup. Comme ses ancêtres. Le salafisme n’a pas d’autre but.
Autre exemple de jugement erroné d’Ibn Taymiyya:
Nous donnons un autre exemple de jugement erroné de la part d’Ibn Taymiyya.
Quand on l’interroge au sujet de son avis sur les Mongols, il fait preuve de la même attitude inquisitrice, du même manque de sens historique, comme on vient de le voir à l’égard d’Ibn Tûmart. Contre tout bon sens, il les qualifie de non-musulmans même s’ils ont prononcé la shahâda !!!
Ibn Taymiyya est né à l’époque où les Mongols, conduits par leur chef Hulagu (mort en 1265), petit-fils de Gengis Khân, prirent Bagdad (février 1258) et la saccagèrent avant de l’incendier, mettant un point final à l’empire abbasside. Il ne fut pas témoin de tous les évènements qui précédèrent ou suivirent cela. Pendant des années et jusqu’à l’époque d’Ibn Taymiyya, les musulmans seront militairement incapables de vaincre les Mongols, exactement comme la situation qui est la nôtre face aux Américains qui occupent l’Irak de nos jours. Quelques années après la mort de Hulagu, les Mongols installés dans un territoire qui dépasse légèrement le domaine de l’Iran actuel se font musulmans grâce au travail d’initiation des maitres soufis. Très puissants, les mongoles adhèrent à l’islam, portent le turban et se mettent au service de notre religion. Il y avait de quoi pousser une profond et sincère : al-hamdulillâh !
Comme beaucoup de gouvernants musulmans, ils se permettaient quelques écarts à la loi divine, surtout quand il s’agissait de mettre fin aux jours de leurs opposants. C’est d’ailleurs ce que font encore de nos jours les chefs musulmans et sans état d’âme. Un homme fut outré par cela et demanda une fatwa à Ibn Taymiyya qui se trouvait tantôt en Egypte tantôt à Damas, loin d’atteinte des Mongoles. Ibn Taymiyya rédigea alors sa fatwa dans laquelle il se montre un juriste vivant dans l’irréalité et dans l’abstraction. Pour comprendre, imaginez Ibn al-Bâz, le mufti saoudien, en train d’appeler les musulmans à s’engager dans une guerre contre les Américains, à cette différence près que les Mongols s’étaient fait musulmans de leur propre gré, et alors qu’ils avaient les moyens militaires pour rester attachés à leurs religions d’origine, le chamanisme et le bouddhisme. Le cas d’Ibn Taymiyya relève donc de la psychiatrie, comme d’ailleurs en témoigne Ibn Battûta dans sa Rihla (Voyages)[8].
Ibn Taymiyya répond donc par une condamnation sans appel des actes des Mongols[9]. Or cette fatwa peut être comprise de plusieurs façons : si les mongoles qui ont commis les crimes que détaille la question (voir ci-dessous), ne sont pas des musulmans même s’ils ont prononcé les deux shahâdas, alors on peut se demander si les Arabes qui ont commis des crimes semblables en Afrique du Nord au début de leurs conquêtes (futûh al-buldân) étaient des musulmans, car eux aussi prenaient les femmes et les enfants, massacraient à tour de bras et pillaient les richesses des peuples conquis qui ne les avaient pas du tout agressés ?
Pour ma part, je pense que les Mongols étaient sincères dans leur conversion, mais ils l’étaient de façon inégale, d’un homme à un autre, comme les Arabes des premiers temps : de mauvais musulmans, inconséquents avec leur foi. Mais voyons la question posée à Ibn Taymiyya, traduite du texte en anglais :
« Question[10]:
« Qu’est-ce que les grands savants jurisconsultes de cette nation (oumma) disent au sujet de ces Tatars (Mongols)  qui sont apparus en l’année 699 de l’hégire (1200) ? Ils ont commis ce à quoi ils doivent leur renommée : l’assassinat des musulmans, la prise des captifs, femmes et enfants, et le pillage des musulmans qui tombaient sous leur domination. Ils ont porté atteinte à l’honneur de la religion en humiliant les musulmans et en endommageant les mosquées, en particulier Bayt al-Maqdis (la mosquée al-Aqsa à Jérusalem) et l’ont souillée en y accomplissant des actes répréhensibles. Ils se sont emparés de la richesse des musulmans et du trésor public (bayt al-mâl) et ont fait prisonniers un grand nombre d’hommes musulmans et les ont déplacés loin de leur patrie. Et en dépit de tous ces actes, ils prétendent s’attacher à la profession de foi de l’islam (shahâda) et soutiennent qu’il est interdit de s’opposer à eux par les armes, car ils affirment être attachés à l’islam, suivre ses principes fondamentaux, et que leur extermination des musulmans leur sera pardonnée. Ainsi, pouvez-vous nous dire s’il est permis de les combattre ou bien s’il est obligatoire de les combattre? Et quelque soit la réponse, de quel point de vue (preuves du Coran et de la Sunna) peut-on déduire la permission de les combattre? Ou bien quelles sont les preuves de la nécessité de les combattre ?» 
Dans sa réponse, comme à l’accoutumée, Ibn Taymiyya  juge dans l’absolu, en faisant abstraction de l’histoire et des méfaits des Arabes, en ne rappelant pas les causes qui ont été à l’origine de l’invasion des Mongoles : un émir musulman Khwârezm Shâh, avait fait assassiner à deux reprises des ambassadeurs de Gengis Khan. Ibn Taymiyya fait encore une fatwa surréaliste ne tenant pas compte de l’absurdité de la question : les musulmans étaient vaincus, et restaient faibles. Ils n’ont pas besoin d’une fatwa pour se lever et combattre les mongols. Le problème était qu’ils étaient désarmés face à eux. Pas plus qu’ils ne peuvent combattre les USA de nos jours, ils ne pouvaient s’opposer à la toute puissance mongole. Les cheikhs saoudiens savent bien qu’une fatwa anti-américaine serait sans effet.
L’infantilisme d’Ibn Taymiyya consiste en ce qu’il se comporte en salafiste pour qui tout ce qui s’est passé jusque là dans la société musulmane, fut parfait et que ce sont les ''Tatars'' (mongols) qui sont des intrus et qui ont gâché la fête. Ibn Taymiyya ne pouvait pas accepter l’idée de colonisabilité : que la cause du malheur Tatar puisse se trouver dans les insuffisances des musulmans. Ce qui est le trait d’un esprit faible qui attribue d’instinct la responsabilité aux autres, attitude qui est propre à la ‘’pensée’’ du wahhabisme qui ne feint de se réveiller que lorsqu’il s’agit de condamner les non-musulmans ou les musulmans non-wahhabites, mais jamais pour dénoncer les propres insuffisances des (chefs et peuples) musulmans.
Les Mongols ont été la vengeance que Dieu a prescrite aux Arabes pour le mal qu’ils ont fait subir aux Berbères et aux orientaux non-arabes. Les Arabes ont payé pour avoir engagé des guerres de conquêtes interdites par l’islam. Les mongoles leur ont pris leurs femmes et leurs enfants ainsi que leur or, pour leur rappeler ce qu'ils firent eux-mêmes au début de leurs ‘’conquêtes’’ en se félicitant et en croyant mériter le paradis pour cela.
Il faut lire les chroniques arabes des premières années de l’‘’islamisation’’ du Maghreb pour comprendre parfaitement ce que je dis. Les Arabes s'étaient comportés exactement comme les mongoles décrits ci-dessus, voire pire. Sauf que les Mongols étaient venus suite à l’assassinat des ambassades envoyées à deux reprises par Gengis Khan et pour se venger en toute justice divine et humaine, alors que les Arabes étaient venus prétendument pour nous apporter la bonne nouvelle de l’islam. Il faut croire qu’ils avaient perdu leur foi, en cours de route, …
Non, Ibn Taymiyya, les Mongols se sont bel et bien convertis, mais tu es jaloux de ce que ce ne sont pas des juristes délirant comme toi qui les ont guidés, et que ce fut l’œuvre de modestes maîtres soufis ne portant ni épée ni bouclier, agissant avec leur sincérité pour seule arme. Les mongoles se sont convertis et ils avaient plus de mérite que tout autre, parce qu'ils étaient militairement vainqueurs et que rien ne les y obligeait.
Dieu est juste. Il n’aime pas l’injustice. Il ne favorise les croyants que lorsqu’ils sont croyants. Il aime toutes Ses créatures même les Mongoles. Il n’est pas exclusivement le Dieu des Arabes. Et rappelons que seul le Prophète (SAW) avait le droit de lancer le jihad offensif.
Le texte de la réponse d’Ibn Taymiyya, que l’on peut lire sur internet, ne nous apprend rien de nouveau sur une constante de sa pensée : sa tendance à considérer que les musulmans du salaf étaient tous des anges auréolés de sainteté. Il suffit de mettre le mots berbères à la place de musulmans et de remplacer Mongols par Arabes, pour comprendre qu’en fait la question a été inspirée par Dieu pour rappeler aux Arabes qu’ils ne recevaient que la monnaie de leur pièce, qu’Il a envoyé les Mongols comme une illustration vivante leur rappelant leur aventure et leur comportement inhumain en Afrique du Nord.
Imaginez maintenant dans quelle gêne se trouverait Ibn Taymiyya si la question lui était posée aujourd’hui et qu’à la place des Mongoles, la demande de fatwa portait sur les Américains qui tuent chaque jour des centaines de musulmans.
Abû al-‘Atâhiya

Ci-après, voici quelques références à l’appui de mes affirmations.
Regard triste mais nécessaire sur notre histoire
Un ami m’a dit que Malek Bennabi (Rahimahu Allah) a porté un jour un jugement sur le livre « Le soleil d’Allah brille sur l’Occident » (de S. Hunke) qui venait de sortir à la fin des années 1960. Il ne commentait pas le contenu du livre, mais le ‘’moment’’ de sa parution. C’est un livre où l’ON nous concédait enfin un rôle dans l’histoire. Ce livre a surement fait du bien à certains, en rappelant les noms des personnalités de notre histoire. Malheureusement, comme l’a relevé Bennabi, on nous concédait cela, pour mieux nous endormir sur des lauriers qui… furent ceux de nos ancêtres. Pour nous infuser, à notre insu, un peu de ce somnifère dans l’administration duquel ILS excellent. On voulait stopper notre ambition d’un retour sur la scène de l’Histoire avec un grand H.
Notre histoire ressemble aux histoires des autres peuples. Elle a beaucoup de titres de gloire et aussi des pages sombres que l’on aurait aimé ne pas lire, ne pas retrouver gravées dans les chroniques, tant chacun de nous s’en ressent quelque part responsable, responsable de ne pas les avoir lues plus tôt, responsable d’avoir cru les mensonges et de les avoir propagés par ignorance. La grandeur consiste à les assumer, pas à les cacher. Car si l’islam est appelé à jouer de nouveau un grand rôle sur la scène mondiale, comme nous le souhaitons et comme nous prions Dieu de nous guider en cela, c’est ce passé-là que nous devons garder à l’esprit pour ne pas renouveler les erreurs: instaurer des limites au pouvoir de façon à éviter les dérives, avec un parlement élu, doté d’un pouvoir réel et pas seulement consultatif. Garantir les libertés à tous, en particulier à ceux qui ont quelque chose à dire. « Le pouvoir rend fou ; le pouvoir absolu rend absolument fou. » Que les leçons de l’histoire nous aident à nous réveiller. L’islam n’a pas d’autre critère que la science, le savoir (‘ilm). Nous n’avons pas à nier ou dissimuler les fautes graves ou mineures causées par les actes des hommes de notre passé, pour la bonne et simple raison que nous continuons encore à être les victimes ou les témoins visuels (télévisuels souvent) d’actes similaires de nos gouvernants actuels. On tue injustement encore partout dans la société musulmane, mais notre idéal de l’islam n’est jamais atteint. Nous n’incriminons jamais notre religion, car nous savons d’instinct que le mal vient des hommes, et pas de l’islam. Nous voyons dans les actes illicites (meurtres collectifs, assassinat sur lettre de cachet, disparition, torture et autres horreurs) du passé et d’aujourd’hui des déviations de certains hommes qui sont toujours prêts à agir pour plaire aux gouvernants corrompus qui résistent aux espoirs du peuple.
Nous n’avons pas à être complices des gouvernants anciens pas plus que des modernes, en tentant de les justifier par des pirouettes. Nous ne devons ni nous laisser inhiber par notre passé, ni nous laisser effrayer par le futur. Je sais qu'à chaque fois qu'une information nous fait mal, nous la mettons sur le dos de l'Occident. Pourtant, le mal est bien de nous, cette fois.
L’école d’Ibn Arabî avait armé la société musulmane pour la rendre plus apte à surmonter les chocs qu'elle allait affronter, comme le choc mongole. On savait que l’épistémè (l’ensemble des connaissances que les musulmans tenaient pour vraies) qui prévalait avant le shaykh al-Akbar allait toucher à sa fin.
Tout savoir humain est intimement lié à la société et à l’époque qui l’a produit.
L’enseignement d’Ibn Arabî avait clairement établi la hauteur de la doctrine islamique, l’avait nettement distingué des actes des musulmans, et dégagé de ses entraves historiques, de façon à assurer à l’islam un retour sur la scène mondiale, au moment venu. C’était la fin d’un cycle de civilisation, mais pas celle de l’islam. Comme on en est témoin aujourd’hui en Occident. Personne ne doute maintenant que l’Occident a gâché son entreprise, et ne tient plus en main les rênes de son destin. Il va à la dérive, et voit ses chances de salut s’éloigner chaque jour. Dans ces conditions, deux choix se présentent devant lui : 1) retourner aux temps ‘’glorieux’’ où il dominait le monde. Si cela est facile à imaginer, on sait que c’est chose impossible à réaliser ou bien : 2) Concevoir le moyen d’une réorganisation de ses restes de façon à rattacher son destin aux forces naissantes, et demeurer la tête hors de l’eau. Cela demande un pouvoir politique et spirituel doté d’une grande énergie et d’un esprit pénétrant.
La société musulmane a eu affaire à cette situation. Il y en eut qui comme les maîtres du mouvement de pensée initié par Ibn Arabî, sont restés concentrés sur le sens de la religion et de la foi, tenant la religion « comme on tient une braise dans la main ». D’autres ont préféré tenter l’impossible : œuvrer à stopper la chute de la civilisation. Chacun a eu son mérite. Mais nous avons chuté, en Orient et au Maghreb. Nous avons été vaincus par l’Occident qui était alors dans sa phase ascendante. Il nous a même occupés, et ceux de nos pays qui ont échappé à la colonisation n’ont pas connu un sort meilleur. Les actes seuls sont les critères, pour juger de la valeur des hommes. Les paroles même vraies et justes restent stériles, sans les actions des hommes qui s’en réclament.
Mais la puissance intrinsèque de l'islam demeure invariable: ce qui a fait dire à un occidental converti: ''Merci à Dieu de m’avoir fait connaître l’islam avant les musulmans!'' En dépit de notre décadence, l’islam ne cesse pas de progresser!
Exemples non-exhaustifs de cas extrêmes de notre histoire :
1.     Al-Baladhurî :
« The Berbers of Luwâta (peut-être laghwâta), لواته. Abû 'Ubayd al-Kâsim ibn Sallâm from Yazîd Ibn abî Habîb: – ‘Amr ibn al-‘Âsi made this a condition on the Berbers inhabitants of Luwâtah at Barkah. " Ye have to sell your children and wives in order to pay the poll-tax on you." Commenting on this, al-Laith said, "If they were slaves, that would not be a legal thing for them to do."
Bakr ibn-al-Haitham from Yazid ibn-abi-Habib : — 'Umar ibn-'Abd-al-'Aziz wrote regarding the Luwatah women, " Whoever has a Luwâtah woman, let him either be engaged to her through her father, or return her to her people;”
Les Berbères de Luwâta.
Abû 'Ubayd al-Kâsim ibn Sallâm rapporte de Yazîd Ibn abî Habîb qui a dit que: – ‘Amr ibn al-‘Âsi a imposé cette condition aux habitants berbères de Luwâta à Barka (en Lybie actuelle) : « Vous devez vendre vos enfants et vos femmes afin de payer l’impôt de capitation sur vos personnes.» Commentant ce point, al-Layt ibn Sa'd a dit : « (même) s’ils étaient des esclaves, ce ne serait pas une chose légale de le faire. »
[Le scandale n’a pas pu être étouffé. Parce que l’affaire finira par parvenir aux oreilles du calife omeyyade Umar ibn Abd al-‘Aziz (mort en 720)] :
Bakr ibn-al-Haitham a rapporté de Yazid ibn-abi-Habib que : — 'Umar ibn-'Abd-al-'Aziz a donné son ordre par écrit, au sujet des femmes de la tribu de Luwâtah : « Quiconque parmi les musulmans possède une femme de Luwâtha qu’il l’épouse légalement en faisant la demande auprès de son père, ou qu’il la rende à son peuple. »
Mais des années plus tard, le roi omeyyade Hishâm ibn al-'Abd al-Malik reprendra cette pratique contraire aux mœurs islamiques avec un mépris total des hommes (istikhfâf al-qawm).
Imaginez le drame de ces hommes à qui on a enlevé les épouses et les filles, et aux droits de qui la justice des rois s’oppose dans l’indifférence totale. Lisez plutôt:
2.     Ibn al-Athîr :
Du temps où on espérait encore trouver l’oreille du bon roi.
« ...L’Ifrîkiyya resta ensuite le pays le plus soumis et le plus obéissant jusqu’à l’époque de Hichâm ben ‘Abd el-Melik, où [P. 72] des gens de l’Irak s’étant glissés dans le pays vinrent exciter les habitants et soulever des discussions qui durent encore.[20] Ceux-ci répondaient ne pas vouloir s’insurger contre les imâms à cause des sommes prélevées par ceux qui les représentaient ; et comme les nouveau-venus disaient que les seconds se bornaient à agir d’après les instructions des premiers : « encore faut-il, répondirent-ils, que nous en informions le khalife ! » En conséquence Meysara et une vingtaine de messagers avec lui furent dépêchés à Hichâm, de qui ils ne purent obtenir d’audience ; ils allèrent alors trouver El-Abrech et lui dirent : « Informe le Prince des croyants que notre émir nous mène en expédition avec son armée (djond) et qu’il distribue à celui-ci le butin que nous avons fait, disant que cela vaut mieux pour la guerre qu’il entreprend ; s’il y a une ville à assiéger, c’est nous qu’il met au premier rang et le djond au dernier, disant que notre mérite au ciel sera plus grand. Et pourtant des gens comme nous valent bien ses frères! Ensuite nos oppresseurs se sont mis à fouiller les ventres de nos brebis pour en extraire des fœtus dont la blanche toison est destinée à fournir des pelisses au Prince des croyants, de sorte que mille brebis périssent pour donner une seule toison. Tout cela, nous l’avons supporté; mais quand ensuite ils ont enlevé les plus belles de nos filles, nous leur avons dit que, bien qu’étant musulmans, nous ne trouvions pareil fait autorisé par aucun écrit (verset coranique) ni aucune pratique traditionnelle (sunna). Nous voulons savoir si cette conduite a ou non l’approbation du Prince des croyants ! » Comme leur séjour en se prolongeant épuisait leurs ressources, ils remirent leurs noms par écrit aux ministres du prince, en les priant, s’il demandait des renseignements, de le mettre au courant.
De là, ils regagnèrent l’Ifrîkiyya, où ils attaquèrent et tuèrent le gouverneur nommé par Hichâm, puis se rendirent maîtres de ce pays. Quand Hichâm, informé de ces évènements demanda les noms de ceux qui étaient venus le trouver, il se trouva que ceux-là mêmes étaient les coupables. »
3.     Ibn Khaldûn :
La version d’Ibn Khaldûn au sujet du roi berbère musulman de la tribu des Iksilan (appelé Koceila par les auteurs de langue arabe)
« …En l’an 62 (681-2), sous le khalifat de Yazid, Oqba vint prendre, pour la seconde fois, le commandement de l’Ifrikiya. A peine arrivé, il témoigna une grande antipathie pour Koceila à cause de l’amitié que ce chef portait à abou al-Muhâjer (le chef que ‘Oqba remplaçait). Celui-ci essaya, mais inutilement, d’obtenir pour son protégé la bienveillance du nouveau gouverneur. ‘Oqba se mit alors en marche pour le Maghreb, précédé d’une avant-garde sous les ordres de Zoheir Ibn Qays el-Baloui. Dans cette expédition, il défit les princes berbères qui, soutenus par les Francs (Romains), lui avaient livré bataille dans le Zab et à Tèhert. Après avoir abandonné au pillage les biens des vaincus, il reçut la soumission de Yulian (le comte Julien), émir (du pays) des Ghomara, qui s’était présenté devant lui avec un riche cadeau. Yulian lui indiqua les endroits faibles du pays occupé par les Berbères et le dirigea vers la région qui s’étend depuis Oulili (Volubilis) jusqu’au Sous, ainsi que vers les contrées encore plus éloignées où les peuples porteurs de voile s’adonnaient à la vie nomade. Après y avoir fait beaucoup de butin et de prisonniers, Oqba poussa jusqu’au bord de la mer et revint ensuite toujours victorieux. Pendant cette expédition, il ne cessa de témoigner un profond mépris pour Koceila qu’il retenait prisonnier auprès de lui, et, un jour, il lui ordonna d’écorcher un mouton devant lui. Koceila voulut confier cette tâche dégradante à un de ces domestiques, mais forcé par Oqba de s’en charger lui-même, et vivement blessé par les paroles insultantes de ce chef, il se leva en colère et commença l’opération. Chaque fois qu’il retirait sa main du corps de l’animal, il la passa sur sa barbe et, interrogé par les Arabes au sujet de ce geste, il répondit : « Cela fait du bien aux poils. » Un de leurs vieillards, qui entendit ces paroles, les avertit que c’était une menace de la part du Berbère. Abou-‘l-Mohajer ayant su ce qui venait de se passer, pria Oqba de laisser le prisonnier tranquille : « Le Prophète de Dieu, ajouta-t-il, chercha à se concilier les puissants d’entre les Arabes, tandis que toi, tu prends plaisir à indisposer le cœur d’un homme qui tient un haut rang parmi son peuple et qui se trouve actuellement sur les lieux où il déployait naguère une grande autorité, à l’époque où il était infidèle. Je te conseille maintenant de t’assurer de sa personne et d’être en garde contre lui. » Oqba ne fit aucune attention à ce discours et, parvenu à Tobna, il renvoya ses troupes, par détachements, à Kairouan ; tant il croyait avoir effectué la conquête du pays et la soumission des berbères. Resté à la tête d’un petit corps de guerriers, il se mit en marche pour Tehouda, ou pour Badis, afin d’y établir une garnison. Les Francs s’aperçurent de son imprudence et formèrent le projet de le surprendre. Koceila apprit leur intention par un message qu’ils lui firent parvenir, et il profita d’une occasion favorable pour en faire avertir ses parents et leurs alliés berbères… »
Oqba qui fut un guerrier et qui trouva la mort au combat, sera vengé par ses enfants qui ont été autorisés par leur chef Mûsà ibn Nusayr, à tuer 600 innocents berbères désarmés ; Ibn Nusayr voulait sans doute faire plaisir à ses chefs de Damas. Il n’y a pas de talion au sujet des morts à la guerre, et quand bien même il y en aurait, la loi divine ne prescrit qu’une vie pour une vie. Le crime est d’autant plus grave et contraire à la Loi que les 600 berbères ont été choisis au hasard.
4.     Ibn ‘Adhârî al-Marrâkushi :
Un exemple de hamiyyat al-jâhiliyya.
« D’après Ibn Qotayba, Mûsa ibn Nosayr, après avoir pris Sedjouma et mis à mort les princes de cette ville, accorda à Iyâd, ‘Othmân et abû Sa’d,  – les trois fils de Oqba, – le droit de tirer vengeance du meurtre de leur père, et ne les arrêta qu’après qu’ils eurent mis à mort six cents des principaux hommes de la ville. Cela eut lieu en l’an 83 (3 février 702), au dire de ceux qui font commencer son administration en cette année. ». On saura en poursuivant la lecture quel destin honteux Dieu réserva à Musâ ibn Nosayr: lui-même et sa descendance ont été torturés et éliminés par ceux-là même qu'il servit indignement.
5.     al-Nuwayrî :
Okba vint ensuite camper près de Tanger, et un grec nommé Julien[40] qui tenait un haut rang dans son peuple, vint à sa rencontre, et eut l’adresse de se le concilier en lui offrant de beaux cadeaux et en se mettant entièrement à ses ordres. Okba le questionna relativement à la mer d’Espagne, et ayant appris qu’elle était bien gardée, il lui dit : Dirige-moi où je puisse trouver des hommes parmi les Grecs (Romains) et les Berbères. — Quant aux Grecs, répondit Julien, tu les as laissés derrière toi ; mais devant toi sont les Berbères et leurs cavaliers ; Dieu seul en sait le nombre. — Où se tiennent-ils? demanda Okba. – Dans es-Sous el-Adna, répondit l’autre ; c’est un peuple sans religion ; ils mangent des charognes, ils boivent le sang de leurs bestiaux, et ils sont comme des brutes, car ils ne croient pas en Dieu, et ils ne Le connaissent même pas. Sur cela, Okba dit à ses camarades : Marchons avec la bénédiction de Dieu ! De Tanger il se dirigea du côté du midi, vers es-Sous el-Adna, et il vint jusqu'à une ville nommée Taroudant. Là il rencontra les premières troupes berbères, et il en fit un grand carnage : le reste prit la fuite, et sa cavalerie se détacha à leur poursuite et pénétra dans es-Sous el-Adna. Les Berbères se réunirent alors en nombre si grand que Dieu seul pouvait les compter ; mais Okba les attaqua avec un acharnement inouï. Il en fit un grand massacre, et s’empara de quelques-unes de leurs femmes, lesquelles étaient (d'une beauté) sans pareille : on rapporte qu’une de leurs jeunes filles, qui avait été amenée en Orient, fut estimée à environ mille pièces d’or (mithkal). » 
Enfin, lorsque les Abbassides renversèrent les Omeyyades, le gouvernement de l’Ifrîqiya fut confié à Abderrahmân ibn Habib, qui était déjà l’agent omeyyade, et à cause de l’adhésion adressée par lui à abû al-Abbâs sitôt qu’il avait appris l’intronisation de ce dernier. Le ‘’calife’’ Abû al-'Abbâs (al-Saffâh) le confirme à son poste et lui envoie une liste de cadeaux qu’il attend de lui, parmi lesquels figurent... des femmes (il avait sûrement eu vent de la réputation de beauté des femmes berbères par des indiscrétions en provenance de la cour omeyyade). Ibn Habîb écrit au nouveau sultan que l’Ifrîqiya était déjà entièrement acquise à l’islam et que l’on ne prélevait plus d’esclaves (prétexte employé pour justifier leur enlèvement). Cela mit en colère l’Abbasside... Incorrigibles hommes du pouvoir! Ibn Habîb trouva ce prétexte pour proclamer publiquement à la mosquée la rupture de son allégeance à l’égard de Bagdad.
Al-Baladhuri :
عن يزيد بن أبي حبيب قال: كان عثمان عزل عمرو بن العاص عن مصر وجعل عليها عبد الله بن سعد. فلما نزلت الروم الإسكندرية سأل أهل مصر عثمان أن يقر عمراً حتى يفرغ من قتال الروم، لأن له معرفة بالحرب وهيبة في أنفس العدو. ففعل، حتى هزمهم. فأراد عثمان أن يجعل عمراً على الحرب وعبد الله على الخراج. فأبى ذلك عمرو وقال: أنا كماسك قرني البقرة والأمير يحلبها. فولى عثمان ابن سعد مصر. ثم أقامت الحبش من البيما بعد فتح مصر يقاتلون سبع سنين ما يقدر عليهم لما يفجرون من المياه في الغياض..
قال عبد الله بن وهب: وأخبرني الليث بن سعد عن موسى بن علي عن أبيه أن عمراً فتح الإسكندرية الفتح الآخر عنوة في خلافة عثمان بعد وفاة عمر رحمه الله.

فتح برقة وزويلة
حدثني محمد بن سعد عن الواقدي عن شرحبيل بن أبي عون، عن عبد الله بن هبيرة قال: لما فتح عمرو بن العاص الإسكندرية سار في جنده يريد المغرب، حتى قدم برقة، وهي مدينة أنطابلس. فصالح أهلها على الجزية وهي ثلاثة عشر ألف دينار يبيعون فيها من أبنائهم من أحبوا بيعه.

حدثني بكر بن الهيثم قال: حدثنا عبد الله بن صالح عن سهيل بن عقيل، عن عبد الله بن هبيرة قال: صالح عمرو بن العاص أهل أنطابلس ومدينتها برقة، وهي بين مصر وإفريقية، بعد أن حاصرهم وقاتلهم على الجزية، على أن يبيعوا من أبنائهم من أرادوا في جزيتهم. وكتب لهم بذلك كتابا..

حدثني محمد بن سعيد عن الواقدي عن مسلمة بن سعيد، عن إسحاق بن عبد الله بن أبي فروة قال: كان أهل برقة يبعثون بخراجهم إلى والي مصر من غير أن يأتيهم حاثٌ أو مستحثٌ. فكانوا أخصب قوم بالمغرب، ولم يدخلها فتنة.
قال الواقدي: وكان عبد الله بن عمرو بن العاص يقول: لولا مالي بالحجاز لنزلت برقة فما أعلم منزلاً أسلم ولا أعزل منها.
وحدثني بكر بن الهيثم قال: حدثنا عبد الله بن صالح، عن معاوية بن صالح قال: كتب عمرو بن العاص إلى عمر بن الخطاب رضي الله عنه يعلمه أنه قد ولى عقبة بن نافع الفهري المغرب فبلغ زويلة، وأن من بين زويلة وبرقة سلم كلهم حسنة طاعتهم، قد أدى مسلمهم الصدقة وأقر معاهدهم بالجزية، وأنه قد وضع على أهل زويلة ومن بينه وبينها ما رأى أنهم يطيقونه. وأمر عماله جميعاً أن يأخذوا الصدقة من الأغنياء فيردوها في الفقراء، ويأخذوا الجزية من الذمة فتحمل إليه بمصر، وأن يؤخذ من أرض المسلمين العشر .ونصف العشر، ومن أهل الصلح صلحهم
وحدثني بكر بن الهيثم قال: سألت عبد الله بن صالح عن البربر فقال: هم يزعمون أنهم ولد بر بن قيس، وما جعل اله لقيس ولداً يقال له بر، وإنما هم من الجبارين الذين قاتلهم داود عليه السلام. وكان منازلهم على أيادي الدهر فلسطين، وهم أهل، عمود فأتوا المغرب فتناسلوا به
حدثنا أبو عبيد القاسم بن سلام قال: حدثنا عب الله بن صالح عن الليث ابن سعد، عن يزيد بن أبي حبيب أن عمرو بن العاص كتب في شرطه على أهل لواتة من البربر من أهل برقة: إن عليكم أن تبيعوا أبناءكم  ونساءكم فيما عليكم من الجزية
قال الليث: فلو كانوا عبيداً ما حل ذلك منهم.
وحدثني بكر بن الهيثم قال: حدثنا عبد الله بن صالح عن ابن لهيعة، عن يزيد بن أبي حبيب أن عمر بن عبد العزيز كتب في اللواتيات أن من كانت عنه لواتية فليخطبها إلى أبيها فليرددها إلى أهلها. قال: ولواتة قرية من البربر كان لهم عهد.
Traitement barbare réservé au corps de Muhammad ibn abi Bakr al-Siddîq (RA) :
وقال الواقدي: ولم يزل عبد الله بن سعد والياً حتى غلب محمد بن أبي حذيفة على مصر، وهو كان أتغلها على عثمان، ثم إن علياً رضي الله عنه ولى قيس بن سعد بن عبادة الأنصاري مصر، ثم عزله واستعمل عليها محمد بن أبي بكر الصديق، ثم عزله
وولى مالكاً الشتر، فاعتل بالقلزم. ثم ولى محمد بن أبي بكر ثانيةً ورده عليها. فقتله معاوية بن حديج وأحرقه في جوف حمار..

Abû al-‘Atâhiya
(Je n’ai pas eu le temps d’ajouter la citation de Maysara ibn al-Athir, en arabe)



[1] Signe des temps ! Il y a quelques voix très rares pour le moment qui commencent à se faire entendre avec une compétence certaine et méritant respect. Nous ne pouvons que souhaiter un accroissement en nombre et en qualité de ces voix, car bien entendu, un musulman ne peut que souhaiter le bien à d’autres musulmans et à tout
le genre humain, d’ailleurs.
[2] On retrouve chez ses épigones wahhabites cette tendance à critiquer et rejeter toutes les théories mêmes celles qu’ils ne comprennent pas, comme le cheikh al-Bâz qui réfuta la rotondité de la terre, comme s’il s’était agi d’une question relevant du droit ! En attendant peut-être de rejeter par une fatwa, la théorie des quanta ou la théorie des cordes. Un mufti saoudien a récemment rejeté la casquette à visière comme contraire à l’islam parce qu’elle empêche de voir, alors qu’elle a été justement conçue pour protéger les yeux du soleil.
[3] En me relisant, je m’aperçois que je dois préciser que depuis que j’ai écrit cet article, j’ai eu le bonheur de trouver un shaykh saoudien très compétent. Il recommande une autocritique du mazhab, et préconise entre autres de parler de sâlihûn min al-salaf (les hommes de bonne volonté parmi les anciens) au lieu du salaf al-sâlih (les anciens qui étaient tous de bonne volonté). Distinction essentielle. Cette restriction du sens du salaf inaugure une orientation nouvelle dans la pensée salafiste.
[4] Voir Laoust, Henri, texte arabe et traduction française d’« Une fetwâ d'Ibn Taimiya sur Ibn Tumart », publié dans le Bulletin de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (BIFAO), numéro 59, 1960, pp. 157 à 184.
[5] « Ibn Taymiyya, à la charnière des XIIIe et XIVe siècles, avait cru bon de consacrer une étude critique à l’œuvre théologique d’Averroès. Ce docteur du fondamentalisme était un homme d’une pauvreté intellectuelle préoccupante puisque tout se ramenait, pour lui, à l’exigence de suivre le texte transmis par le Prophète et ses propres exemples… » (Urvoy, Dominique, AVERROES, Les ambitions d’un intellectuel musulman, Flammarion, 1998, page 214.)
[6] J’insère ici, deux ans après la publication de cet article, un témoignage émouvant d’Ibn Khaldûn que j’ai trouvé en relisant la Muqaddima. Ce savant maghrébin fut d’une rigueur scientifique remarquable. Dans l’introduction à sa Muqaddima, il commence par exposer sa méthode et son épistémologie. Entre autres exemples des égarements des historiens, Ibn Khaldûn expose le cas de certains jugements infondés portés sur Ibn Tûmart. Il nous révèle l’origine véritable de ces diffamations, dans des passages puissants où il démontre combien Ibn Tûmart se trouvait bien hors d’atteinte de ces commérages de ‘’faibles juristes’’. Il écrit : «Mais au fond de leurs cœurs, c’est l’envie qui a poussé ses détracteurs. Ils s’illusionnaient en croyant pouvoir rivaliser avec lui sur le terrain de la science, du droit et de la religion. Or, il les surpassa, son point de vue l’emporta et il se fit des partisans. Jaloux de son succès, ces juristes tentèrent de saper son influence en critiquant sa doctrine et en attaquant ses prétentions…» (Traduction de V. Monteil, page 39). Ce sont les échos des diffamations de ces juristes vendus aux gouvernants de l’époque qui sont semble-t-il parvenus aux oreilles d’Ibn Taymiyya qui y ajouta foi naïvement sans enquêter sérieusement, comme le recommande le Coran. Ainsi après Ibn Battûta qui porta un jugement négatif sur Ibn Tamyiyya, Ibn Khaldûn fut le deuxième maghrébin à désavouer indirectement le modèle de l’intégrisme.
[7] C’est sur ordre du sultan almohade abû Yûsuf Ya‘qûb al-Mansûr (qui  régna de 1184 à 1199),  qu’Ibn Rochd  accomplit son œuvre critique d’Aristote qui lui valut la renommée en Occident.
[8] L’ouvrage d’Ibn Battûta existe en traduction française. Arrivé à Damas, Ibn Battûta entend mentionner le nom d’Ibn Taymiyya, et précise que les gens disaient de lui qu’il était atteint de dérangement mental (wa kâna bihi khalal).
[9] Les Mongols ont dominé l’Orient musulman au 7ème/ 13ème siècle, et ont notamment pris en 1256, Bagdad dont ils massacrèrent les habitants et qu’ils incendièrent. Ce fut une catastrophe inimaginable pour les musulmans, pire que le ne fut le 11 septembre pour les USA. Ibn Taymiyya n’était pas encore né. Il est mort vers 1330. Entretemps, les Mongols étaient devenus musulmans de leur propre gré, alors qu’ils avaient la puissance militaire de leur côté.
[10] Fatwas d’Ibn Taymiyya, volume 28, page 576. Le lecteur qui le souhaite pourra lire la réponse détaillée d’Ibn Taymiyya sur internet. On peut en trouver la traduction anglaise sur ce site : http://ia700502.us.archive.org/17/items/WhyTheTatarsAreKaafirs/tatar1.pdf